La migration vers les logiciels libres

est-ce raisonnable pour une entreprise?

Les étapes vers la migration

1 - Types de migration

On peut différencier deux types de migration :

  • La migration partielle, consistant à remplacer uniquement les applications client : bureautique ou développement par exemple.
  • La migration totale, consistant à remplacer tous les logiciels propriétaires (application client et serveur : notamment les systèmes d’exploitation) par des logiciels lbres.

2 - Modes de migration

Il existe trois types de mode de migration

Big Bang (la plus rapide)

Tous les utilisateurs passent au nouveau système le même jour. Dans la pratique, il est vraisemblable que la migration soit planifiée sur une fin de semaine ou durant les vacances. L'avantage réside dans l'absence de structures de double accès et de double maintenance par les équipes techniques. Les inconvénients résident dans un niveau de risque très élevé et dans la très forte mobilisation de ressources durant la migration. Ce schéma semble ne pouvoir être appliqué que dans les petites administrations. Dans la mesure du possible, il faut éviter la migration BIG BANG. Ce type de migrations nécessite le contrôle de tant de variables qu'elles échouent en général. Si c'est le cas, ce n'est pas, en général, du fait d'une défaillance de l'Open Source mais de celle du management.

Transition progressive par groupes (la meilleure)

Les utilisateurs migrent par groupes. On fait migrer en général des groupes fonctionnels complets afin de minimiser les partages de données et les difficultés de travail de groupe. Les risques peuvent être limités et les ressources gérées par l'adéquation de la taille des groupes. Il peut être possible de réaliser un remplacement du matériel par roulement dans le même temps, en effectuant une mise à jour des postes de travail retirés d'un groupe avant de les attribuer au groupe suivant.

Transition individuelle

Similaire à la transition progressive par groupes mais avec une taille de groupe d'une personne. Cette méthode au goutte-à-goutte mobilise peu de ressources mais elle est peu efficace et sans doute peu adaptée aux grandes administrations. Elle peut cependant être appropriée aux projets pilotes.

3 - Quelques conseils facilitant la migration

Quelques précautions à appliquer avant la migration, afin de maximiser les chances de réussite :

  • Imposer que le développement web maison ou par des prestataires produise un contenu visualisable sur tous les navigateurs actuels, en particulier les navigateurs OSS. Cela doit être une bonne pratique dans tous les cas car l'administration ne doit pas nécessiter de logiciel spécifique pour accéder au contenu en ligne. Le respect des standards du web définis par le W3C (World Wide Web Consortium) et l’utilisation d’outils tels que weblint facilitant le contrôle de compatibilité des pages web, permettent d’obtenir des pages web compatibles avec tout navigateur.
  • Décourager la prolifération incontrôlée des macros et scripts dans les documents et feuilles de calculs ; chercher d'autres moyens de réaliser la fonctionnalité. Cela aussi doit être une bonne pratique car l'utilisation de ceux-ci est un biais classique d'infection par les virus. De même, les macros peuvent facilement être utilisées pour dérober des informations et détourner des documents (par exemple, elles permettent que le document affiche des éléments différents à l'écran et à l'impression).
  • Imposer l'utilisation des formats de fichiers ouverts standard, par exemple PostScript et PDF. Il existe un certain débat sur le caractère ouvert des standards PostScript et PDF. Il s'agit plus d'un débat sur la définition stricte et en particulier sur le « qui contrôle le standard ? ». En réalité, il s'agit des seuls formats standard largement utilisés actuellement, dont les définitions soient publiques et qui puissent être utilisés sans restriction. Des tentatives pour créer de véritables standards ouverts fondés sur XML sont apparues et OpenOffice.org en est une implantation. Cependant le seul critère technique XML ne rend pas le format ouvert. En particulier, il faut éviter d'utiliser des formats de fichiers propriétaires pour les fichiers qui ne sont prévus que pour la lecture et non la modification par le destinataire. À nouveau, il s'agit d'une bonne pratique car ceux-ci sont un vecteur de diffusion des virus. L'utilisation de tels formats verrouille l'administration avec un éditeur pour une durée considérable. De plus, ces formats peuvent contenir des quantités considérables de méta-données y compris, en particulier, du texte supprimé préalablement qui peut se révéler embarrassant pour l'administration s'il est vu par des tiers ; il n'est pas difficile d'accéder à ces méta-données.
  • Lors de la rédaction de documents à plusieurs, utiliser le format le plus petit dénominateur commun. Par exemple, utiliser le format MS-Word 97 de préférence au format MS-Windows 2000. Cela augmente la probabilité de participation par des applications OSS.
  • Utiliser des protocoles standard. Les protocoles standard ouverts sont ceux définis comme libres de brevets et disposant d'une implantation OSS. Différents ensembles de standards nationaux existent tels que E-gif au Royaume-Uni, OSOSS aux Pays Bas et SAGA en Allemagne. L'objectif et le contenu de ces différents cadres sont assez variables mais en général ils sont imposés.
  • Développer des systèmes fondés au minimum sur un modèle 3-tiers dans lequel le code applicatif est indépendant de l'interface homme-machine et des méthodes d'accès aux données. Par exemple, si possible, ayez une interface par navigateur qui fonctionne avec un navigateur OSS. Le développement d'applications selon ce principe modulaire en facilite la migration élément par élément. Cela ne réduira pas seulement l'échelle de toutes les phases de migration mais aussi le risque de défaillance. Les applications à client monolithique traditionnel sont notoirement difficiles à maîtriser.
  • Imposer que tout nouveau développement soit portable. Cela implique l'utilisation de langages portables standardisés tels que le C ANSI, Java, Python et Perl ainsi que l'utilisation exclusive de bibliothèques et boîtes à outils I.H.M. multiplates-formes telles que wxWindows et FOX toolkit. Éviter les langages et API spécifiques. Éviter de développer des applications nécessitant la présence d'autres applications propriétaires.
  • Eloigner les utilisateurs des outils de courriel qui utilisent des formats de stockage de courriel propriétaires et communiquent avec les serveurs à l'aide de protocoles propriétaires. De nombreuses applications stockent le courriel à l'aide d'IMAP. Si possible, trouver un moyen de stocker les carnets d'adresses et les informations calendaires dans un format ouvert.

4 - Etapes de la migration

Schéma général :

Etapes de la migration : schéma général

Dans cette partie, nous détaillerons les étapes d’une migration totale, c'est-à-dire, changer le système d’exploitation ainsi que les applications. Bien sur, il existe un grand nombre de combinaison en fonction des conditions initiales.

Avant tout, il faut procéder à une phase de collecte d’information (on justement les conditions initiales) : il est nécessaire de former, ou recruter une équipe compétente d’informaticiens chargée de la migration. Cette équipe aura pour première mission, de déterminer la faisabilité de la migration (vérification de la portabilité des documents existants, la conversion des formats, le calcul des coûts, l’estimation de la durée de travail…), d’observer l’architecture du système, les protocoles et standards utilisés ainsi que l’environnement physique (bande passante, réseau, localisation). Puis de déterminer le besoin de l’entreprise, c'est-à-dire, quels logiciels sont les plus adaptés aux besoins de l’entreprise, et également aux capacités de l’équipe informatique en place (pré requis (langue) et particularités) et enfin évaluer le produit Open Source afin de s’assurer qu’il assure toutes les fonctionnalités nécessaires. S’il existe une application essentielle à l’entreprise n’ayant pas d’équivalent Open Source, il existe une solution : Wine , qui permet d’exécuter des applications Windows sur un système Unix.

Avant d’effectuer quoique ce soit, sur les stations de travail et/ou sur les serveurs, il est indispensable d’effectuer de réelles sauvegardes, afin de restaurer le système en cas de problème majeur.

Enfin, il convient de proposer un plan minutieux expliquant les démarches successives de mise en place jusqu’aux conditions finales.

La première étape réelle de la migration, consiste en une migration partielle, pour « habituer » les futurs utilisateurs, et ainsi, ne pas les déstabiliser totalement. Ainsi, les applications qui seront utilisées sur le nouveau système libre (tout au moins, les applications libres existantes sur un système d’exploitation propriétaire), sont installées sur le système d’exploitation connu et maîtrisé. Ce contact initial permet une prise en main plus aisée.

Les acteurs de la migration, ont tout intérêt d’utiliser cette approche de la migration, car le facteur humain est le facteur le plus important. Ne pas tenir compte des appréhensions, des questions des utilisateurs rime forcément avec échec. De plus, cette approche, permet de détecter des incompatibilités entre format de fichiers par exemple.

Liste non exhaustive de logiciels libres existants sur système propriétaire (Windows)
Logiciel Avant Après
Bureautique Microsoft Office
* 590,67 €
Open Office.org
Navigateur Web Microsoft Internet Explorer
Inclus dans Windows
Mozilla Firefox
Client e-mail Microsoft Outlook Express
Inclus dans Office
Mozilla Thunderbird
Compilateur C/C++ Borland C++ Builder
* 3 339 €
Dev-C++
Création/Retouche d’images Adobe Photoshop
* 1059 €
The Gimp
Serveur Web Microsoft IIS
* 3004 € avec Windows Server 2003
Apache

* : tarif professionnel HT à l’unité (mise à jour non comprise)

En parallèle, à ce changement du côté utilisateur, un changement du côté serveur, peut-être envisagé, par exemple le serveur DHCP, le serveur de noms DNS ou encore les serveurs de bases de données. L’ajout d’un serveur Samba (paquetage serveur de fichiers et d'impression pour les systèmes OSS).
Cette opération sera totalement transparente pour les utilisateurs, à condition qu’elle soit effectuée d’une manière correcte.

Après une période d’adaptation aux nouveaux logiciels, où les acteurs de la migration, auront très certainement, besoin d’intervenir auprès des utilisateurs pour les assister et les conseiller dans la découverte de l’interface et des nouvelles fonctions offertes par les logiciels Open Source nouvellement installés. L’équipe découvrira à coup sûr des points obscurs pour les utilisateurs, qui n’avaient pas été envisagés lors de l’étude de faisabilité.

Dès que les utilisateurs semblent maîtriser parfaitement les nouveaux outils, ce qui peut prendre plus ou moins de temps, selon leur rapport à l’informatique ; un informaticien aura plus d’aisance à acquérir la maîtrise d’un nouvel outil informatique qu’un agent de saisie par exemple ; la dernière phase de la migration peut-être enclenchée : le changement de système d’exploitation. Ce changement peut-être considéré comme le plus déstabilisant; l’utilisateur perd alors tout repère dans son environnement de travail, même si désormais, les systèmes d’exploitation libres adoptent de plus en plus, d’interfaces quasi-similaires à celle bien connue du système de Microsoft.

Un accompagnement plus ou moins important reste nécessaire, afin de rassurer les utilisateurs, car ce sont les premiers concernés par la migration, et sa réussite dépend de leur satisfaction et leur aptitude face au nouveau système.

5 - Exemple de migration d'une entreprise

Prenons l'exemple d'une entreprise utilisant un système d'exploitation ainsi que des logiciels propriétaires, désirant migrer vers l'Open Source de façon totale. Le tableau ci-dessous, montre la configuration de départ et l'équivalent Open Source proposé.

Usage Logiciel avant migration Logiciel après migration Commentaires
Stations
Système d’exploitation Microsoft Windows 2000 RedHat v.8.0
  • Système simple d'utilisation
  • Interfaces disponibles (KDE, Gnome) proches de celle de Windows
Bureautique Microsoft Office OpenOffice.org
  • fonctionne sous Windows pour migration partielle
  • meilleures interprétations des formats de fichiers Microsoft
  • bonne alternative à Ms-Office
P.A.O. (Publication Assistée par Ordinateur) Framemaker, Pagemaker, QuarkXpress Scribus / OpenOffice.org si OpenOffice.org est déjà installé, pourquoi installer un autre logiciel ?
Génération de fichiers PDF Adobe Acrobat OpenOffice.org  
Courriel Microsoft Outlook Evolution / Thunderbird
  • interface similaire à celle de Outlook
  • fonctionnalités très utiles (dossiers virtuels, anti-spam, contrôle de virus)
Navigateur Web Microsoft Internet Explorer Mozilla Firefox
  • fonctionne sous Windows pour migration partielle
  • meilleure interprétation des standards du Web
  • fonctionnalités très utiles (navigation par onglet, blocage des pop-up)
Antivirus Tout antivirus propriétaire aucun Un système Open Source correctement configuré craint peu les virus, de plus un agent de transport de courriel correctement configuré bloque la plupart des menaces
Pare-feu Tout pare-feu propriétaire aucun Tout système d'exploitation Open Source dispose de pare-feux par filtrage de paquets internes (ex: iptables, ipfilter ou Packetfilter)
Bases de données Microsoft Access / Microsoft SQL Server MySQL / PostgreSQL Attention, tout de même aux pertes encourues, dûes à l'absence de certaines fonctions dans MySQL comme par exemple les procédures stockées.
Serveurs
Courriel Agent de transport (MTA – Mail Transport Agent) Exim / Postfix  
Courriel Agent d’accès au courriel (MAA – Mail Access Agent) Courier-IMAP / Cyrus  
Services Web Microsoft IIS Apache  
DNS Microsoft DNS Bind / MyDNS  
Travail de groupe Microsoft Exchange Evolution  

6 - Les étapes post-migration

Une fois, la migration effectuée, et lorsque le système en place fonctionne parfaitement, les administrateurs du système peuvent alors, lorsque cela s’avère nécessaire et de façon quasi-identique que sur un système propriétaire, effectuer des mises à jour. Seule différence, ces mises à jour, peuvent provenir soit de l’éditeur et ou du groupe de développeur, mais également de techniciens de l’entreprise, désireuse de modifier le programme aux besoins réels de l’entreprise.

L’utilisation de l’Open Source, peut, au premier abord, susciter une inquiétude : manque de fiabilité, de documentation, de support technique ; mais il faut savoir que le fait que le code soit libre permet à quiconque d’améliorer ou de corriger un quelconque « bug », ce qui permet une excellente réactivité face aux failles de sécurité, au nécessité de mise à jour.
Pour ce qui est de la documentation, il est vrai qu’il est plus difficile de trouver un livre sur un logiciel libre que sur son équivalent propriétaire, qu’importe, il existe toujours un site de documentation disponible sur Internet ; seul défaut : très souvent ceux-ci sont destinés à un public anglophone.
Le support technique des logiciels libres est en passe de devenir aussi présent que pour les logiciels propriétaires ; de nombreux éditeurs éditant des logiciels développent pour les entreprises des services techniques permettant ainsi d’obtenir une aide technique.