Le logiciel libre et l'entreprise
1 - Briser les idées reçues
Contrairement aux logiciels propriétaires, les logiciels libres
sont souvent gratuits. Cette gratuité entraîne souvent un
doute pour les entreprises, qui sont en droit de se demander comment un
logiciel gratuit peut permettre de travailler tout aussi bien qu'un logiciel
payant.
Cependant, de grosses entreprises se sont lancées dans le développement
de logiciels libres ces dernières années (Sun, IBM, Red
Hat, Novell..).
Etant donné qu'il est difficile de vendre un produit librement
distribuable, les sociétés du logiciel libre rentabilisent
leur activité autour du service associé. Ainsi ces sociétés
peuvent rassurer leurs clients en leur proposant les mêmes services
qu'une société commercialisant des logiciels propriétaires.
De plus, une logiciel libre n'est pas forcément gratuit, mais lorsqu'il ne l'est pas, son prix est en général bien plus bas qu'un logiciel propriétaire afin de proposer "la performance au meilleur prix" qui est l'un des principes fondamentaux du monde du libre.
Aussi, le monde du libre n'est pas seulement réservé a de petites entreprises au budget réduits ou à la recherche: de grosses entreprises ont récemment migré leurs systèmes informatiques vers des systèmes libres. On pourra en citer quelques unes telles que Le Monde, les groupes Auchan et Cora, Yahoo et de nombreuses autres entreprises qui utilisent Apache sur leurs serveurs. Ce point sera abordé plus précisément dans la partie "Des exemples d'entreprises".
Suite à toutes ces migrations qui semblent viable, on peut clairement dire que le logiciel libre est une solution possible pour une entreprise, à condition de bien calculer tous les couts de migration et de formation des utilisateurs et ce que cela peut apporter a l'entreprise.
Une autre idée reçue pourrait être la suivante: si
on migre vers les logiciels libres, les applications seront totalement
différentes et on ne pourra plus jamais revenir à une solution
propriétaire. C'est tout à fait faux: les logiciels libres
respectent les systèmes standards de fichiers : ainsi un fichier
créé à l'aide d'un logiciel libre sera très
souvent compatibles avec d'autres logiciels, ce qui est rarement le cas
lorsqu'on utilise un logiciel propiétaire.
Il existe aussi de nombreux logiciels libres tout a fait comparables aux
logiciels propriétaires utilisés en entreprise: ces logiciels
peuvent remplacer les logiciels propiétaires autant au niveau des
serveurs que des machines des utilisateurs (avec des logiciels de base
de données ou de traitement de texte par exemple).
Voici une sélection de 10 logiciels du monde du logiciel libre faite par la société IdealX:
- O.S.: Linux
- Annuaire: OpenLDAP
- Serveur Web: Apache
- Serveur de ressources: Samba
- Base de données: PostgreSQL
- Serveur d'applications: Tomcat
- Suite bureautique: OpenOffice
- Administration: Webmin
- Administration: APT
- Messagerie: Postfix
Ces logiciels libres sont de plus en plus utilisés par les entreprises qui désirent migrer vers le logiciel libre. A cette liste pourra s'ajouter un navigateur web tel que Firefox, une messagerie instantanée comme Gaim ou encore un logiciel de retouche d'images comme The GIMP, comparable à Photoshop.
2 - Les différentes licences
Une licence définit les droits d'utilisation, de copie, de modification et de distribution d'un logiciel. Les logiciels sans licence sont dits du domaine public. Pour tout les autres logiciels, il faut définir la licence sous laquelle sera distribué le logiciel afin de le protéger.
Voici les droits, les obligations et les libertés des principales licences utilisées pour le développement et la distribution des logiciels libres.
Toutes ces licences sont compatibles OSI (Opensource Initiative)
- GPL
-
GPL veut dire GNU General Public License
- Droit d'Utiliser
- Droit de Modifier
- Droit de Distribuer
Mais les droits de l'utilisateur sont inaliénables:
Obligation du passage en GPL:
- Divulgation obligatoire du source
- Même liberté accordée aux autres
- Eclatement du source impossible
Pour plus d'informations sur cette licence: www.fsf.org
- LGPL
-
LGPL veut dire GNU Lesser General Public (License Licence Publique Générale Limitée)
La LGPL est une GPL modifiée, spécialisée pour les bibliothèques de programmation. Globalement, les droits sont les mêmes. Ils ont été reformulés pour le cas spécifique des bibliothèques de programmation.Cependant, la FSF (Free Software Foundation) et le projet GNU dissuadent d'utiliser cette licence, car ils estiment que stratégiquement ce n'est plus nécessaire.
- BSD
-
BSD veut dire Berkeley Software Distribution License. Développée par l'université de Berkeley (Califormie) depuis 1995.
- Droit d'Utiliser
- Droit de Modifier
- Droit de Distribuer
- Mais n'importe qui peut rendre cette source propriétaire
:
- Pas d'obligation de conservation de la licence (seule une mention indiquant l'auteur original doit persister):
- Divulgation non obligatoire du source
- Résultat: Des utilisateurs lésés
Pour plus d'informations sur cette licence: www.freebsd.org
- MPL
-
MPL veut dire Mozilla Public License
- Droit d'Utiliser
- Droit de Modifier
- Droit de Distribuer
- Et l'éditeur original conserve le droit de récupérer les modifications des contributeurs pour les intégrer à des logiciels propriétaires.
Pour plus d'informations sur cette licence: http://www.mozilla.org/MPL/
- Apache
-
Apache vient de « a patchy server », en raison du mode de développement par patchs (correctifs) de ses premières versions.
- Distribution de versions binaires et de code source
- La distribution de versions binaires est autorisée dans le cas où elle reproduit la notice de copyright
- Dans tous les cas, une distribution doit mentionner qu'il provient
d'un logiciel développé par Apache:
« This product includes software developed by the Apache Group for use in the Apache HTTP server project (http://www.apache.org/) »
- Licence non copyleftée
- N'oblige pas à publier le code source
Pour plus d'informations sur cette licence: http://www.apache.org/licenses/
- CeciLL (fr)
-
Acronyme pour Ce(A)C(nrs)I(NRIA)L(ogiciel)L(ibre), CeciLL est une Licence libre de droit français compatible avec la licence GNU GPL , elle possède donc les mêmes droits que la licence GNU GPL
Voir le texte de la licence en français
Pour plus d'informations sur cette licence: http://www.cecill.info/ (fr)
3 - Les brevets logiciels
Qu'est-ce qu'un brevet logiciel?
Description et objectifs
Un brevet est une description textuelle d'une invention destinée à la protéger. Les principaux critères de brevetabilité sont les suivants:
- Nouveauté
- Inventivité
- Application industrielle
Un brevet logiciel est alors l'application de ces critères
de brevetabilité au domaine de l'informatique.
Depuis 1985 les logiciels sont brevetables aux Etats Unis et au
Japon, et dans une moindre mesure, depuis 1986 en Europe.
Différence entre les brevets et le copyright
Les brevets sont issus du monde industriel et les copyrights du
monde artistique. Le copyright s'applique en Europe sur le code
source d'un logiciel, mais la protection qu'il offre est des plus
limitée. En effet, comme le montre la jurisprudence, il est
très difficile d'obtenir gain de cause dans un procès
pour plagiat, car il faut pouvoir prouver le vol d'un support matériel
ou la corruption d'un employé de l'entreprise.
Le brevet quant à lui est déposé dans des registres
nationaux et internationaux, ce qui n'est pas le cas pour le copyright.
L'un des critères de brevetabilité étant la
nouveauté, tout dépot de brevet est soumis à
une recherche d'antériorité.
La situation en Europe
A l'heure actuelle, les logiciels sont partiellement brevetables en Europe :
- les algorithmes et processus triviaux (éléments de base pour la création d'un logiciel Exemples : if, for, bouton...) soumis au copyright et non brevetables
- les logiciels : copyright et éventuellement brevetables dans certains cas.
Une définition floue : les programmes "ayant des effets techniques"
sont "non exclus de la brevetabilité". On considérera
donc qu'il s'agit des logiciels en tant que solution technique à
un problème technique.
Exemple: un driver d'imprimante, le problème technique étant
celui du pilotage du matériel "imprimante".
Actuellement, un projet de loi a été soumis à la Commission européenne pour la brevetabilité totale des logiciels, y compris les algorithmes et les processus triviaux. Ce projet de loi est relativement dangereux pour les logiciels libres, comme nous allons le montrer ci-après, et donc pour leur éventuelle adoption dans les entreprises.
NB: La situation actuelle au niveau législatif, comme elle a été décrite ici, n'est pas réellement appliquée. En effet l'OEB (office européen des brevets) a autorisé le dépôt de brevets sur les logiciels (de manière totale) depuis plusieurs années et considère donc que cette brevetabilité fait au jour d'aujourd'hui, jurisprudence dans le domaine.
Les brevets logiciels, un frein à l'innovation
La protection des PME et les brevets croisés
L'un des principaux objectifs des brevets est la protection de la propriété
intellectuelle des entreprises. Or on constate que ce n'est pas le cas
en pratique pour l'industrie du logiciel.
De grandes firmes utilisent actuellement d'importants portefeuilles de
brevets pour faire pression sur des PME innovantes en les contraignant
à des accords de brevets croisés. Un brevet croisé
permet à une entreprise d'utiliser un brevet d'une entreprise comme
si c'était l'un de ses propres brevets. Ainsi le principe du brevet
croisé permet aux grandes entreprises d'enrichir très facilement
leur portefeuille de brevets et ne permet pas de protéger les PME.
Le phénomène des brevets "mines"
La technique du brevet "mine" permet aux entreprises de déposer
des brevets sur des innovations sans que celles-ci aient de réalisation
industrielle, on dépose un procédé sans le sortir
sur le marché, on évite ainsi les coûts de la réalisation
et on rentabilise le dépôt du brevet par les actions en justice.
Ce phénomène permet aussi de contrôler l'innovation
technologique et par là même de pouvoir rentabiliser plus
longtemps les logiciels actuels tout en empêchant la concurrence
d'innover. Les brevets logiciels sont donc en ce sens un frein à
l'innovation et ainsi au développement des logiciels libres.
La position des logiciels libres
La menace de la brevetabilité totale en Europe, issue du projet de loi présenté ci-avant, plane sur l'adoption du libre par les entreprises. En effet les brevets logiciels peuvent limiter la "liberté" d'un logiciel libre, en nécessitant le règlement de royalties pour les utilisateurs de ces logiciels. De nombreux exemples aux Etats Unis peuvent en témoigner.
Ainsi dans les années 80, le logiciel PGP de cryptographie à clef publique a été contraint à être distribué sous une licence non libre par les détenteurs de brevets sur les systèmes à clefs publiques.
Un exemple plus connu est celui du format de compression d'image GIF. En effet, ce format utilise un algorithme de compression, le LZW qui est breveté par la société Unisys. En 1985, Unisys avait communiqué sur le sujet et assurait à tous la gratuité de la compression GIF pour une utilisation non commerciale. Cependant en 1996 la direction d'Unisys changea d'avis et demanda à tous les utilisateurs de GIF de s'acquitter d'une licence de 5000$. Il s'agissait donc de l'utilisateur lambda, du développeur de logiciels au webmaster gérant un site présentant des images au format GIF. L'utilisation du format GIF fut donc refusée au logiciel libre, aux Etats Unis tout auteur de logiciel libre permettant de produire des fichiers GIF peut être poursuivi en justice.
Le format MP3 de compression sonore est également breveté par Thomson et le Fraunhofer institute. En 1998, des développeurs américains qui avaient mis à disposition sur internet des logiciels libres permettant de décoder ce format ont été menacés d'atteinte à la propriété intellectuelle et forcés de les retirer. La brevetabilité totale des logiciels en Europe les rendrait donc aussi indisponibles en Europe.
La ville de Munich a entrepris depuis 2003 la migration de l'ensemble de son parc informatique vers les logiciels libres (essentiellement les postes bureautiques vers linux + Mozilla et Openoffice). Cependant cette migration a été suspendue en septembre 2004 pour cause d'évaluation des risques juridiques et financiers encourus par cette migration dans le cas de l'adoption de la brevetabilité totale en europe. La bonne nouvelle pour les entreprises décidant de migrer vers les logiciels libres est que la ville de Munich a décidé de poursuivre son processus de migration, créant ainsi un précédent. Le maire de la ville de Munich a réaffirmé son soutien aux solutions libres et espère surtout faire changer d'avis le gouvernement allemand sur la question de la brevetabilité des logiciels.
Pour de plus amples informations à propos des brevets logiciels, nous vous recommandons de lire quelques articles: